Dans une grande et vaste salle, on entend un tohu-bohu familier ;
des gens travaillent, jeunes de préférence, qui tapotent sur des claviers, répondent au téléphone, prennent des notes, parlent, tentent de convaincre
Le temps passe pas bien vite, mais il passe, parce que ça déconne et ça prend des pauses souvent pour fumer.
Dans un coin, à lécart, se trouve une chaise vide.
Caurait pu etre la chaise dun employé suicidé quen aurait eu marre de ce taf routinier à tel point de rupture quil lui aurait été impossible de continuer plus avant dans les memes gestes, les memes instants dinutilité profonde, un état vacant de la modernité bizarre...
Chaque jour, matin, midi et soir, dans cette grande salle, 3è étage, sy livrent un travail de fourmilière, un désordre apparent, une ambiance relaxe, des gestes de baillements, de surbaillements, injectés par afflux de fatigue physique et mentale. Overdose.
3è étage, plafond haut, lumière vive, chauffage très collectif mis à fond de la collectivité lors de cet hiver rude, mais il y fait décidément trop chaud.
Et cette chaise, vide, ce fauteuil à roues auquel il en manque une, qui semble à labandon ;
Elle en aurait pourtant des souvenirs à raconter: des traces de fessiers, des beaux, des gonflés, des lourds, des rebondis, des petits, des pets étouffés, des déhanchements nerveux, inarticulés, impatients, un véritable musée de la fesse dentreprise.
Elle en est devenue tellement inutile quelle a rejoint le central cimetière des chaises-prochaine destination-exécution finale.
Au dehors, par les fenetres, les bruits de la ville ruminent lironie du sort, les embouteillages, les vrombissements daccélération, la fière pollution, compagne pacsée au gasoil, les stridences de freins, on y jette un oeil parfois fugace;
Rien de nouveau, toujours le même spectacle, toujours la sempiternelle rengaine.
Les memes voitures? A moins den observer les allées et venues comme un concierge quaurait que ça à foutre, impossible de déterminer pourtant sil sagit bien des memes, ce ne sont que ressemblances qui nous inclinent à y voir des similitudes... Ne nous attardons pas cependant : on nest pas payé pour ça....
je vous rappelle que vous etes déjà bien payés pour cque vous faites !
Tiens... dans la grande salle, le petit homme plastronne, barbu comme un afghan modéré... Il fait une apparition remarquée, tintinnabulante, marmonne ses ordres et ses instructions, avant de retourner sisoler dans son étroit bureau, loeil rivé à sa messagerie, à nos faits et gestes
je men prends plein à cause de vous
Il gueule, putois de sa propre hiérarchie.
Il peut se le permettre, cest notre boss.
Il agrémente ainsi de sa voix rocailleuse le tohu-bohu familier....et, ses ordres, il en change comme de chemises, les impose dune façonde implacable, définitive, les hurle, à qui veut bien lentendre;
Comme on ne lentend pas beaucoup, alors ça lemmerde, il senferme de plus en plus dans son bureau. Il nen sort plus que rarement, comme on vient visiter un mourant.
On le sent un tantinet désabusé.
On lavait vu venir, à sa nomination, lan dernier: il disait vouloir nous mater, nous remettre dans le droit chemin de la politique multinationale
Beurk, de fortes tetes en prises de gueule, on est resté soudés...
Et le voilà à deux doigts de la rupture...
Il sest absenté une semaine...Officiellement, en vacances
On a su plus tard quil avait chopé un ulcère avec complications et sétait fait opérer ...
La chaise vide, une entreprise dordures ménagères est venue la chercher ce matin...
Cette chaise vide, cétait la sienne...