Encore une journée à se lever
Une journée comme tant dautres
Mon réveil se met à sonner mais ça fait bien longtemps que je suis éveillé. Mes pensées ségarent sur ma vie, mon existence médiocre, mon passé et mon futur.
Mais quel futur pour moi ? Marre de cette routine, plus rien ne mimporte. Cette société me dégoûte, cette même société où les clochards meurent à chaque coin de rue dans cette grande ville, capitale de rien du tout. Cette ville où pour un regard trop appuyé tu te fais poignarder. Tous marchent la tête basse, ils ont tous les yeux livides, pas la moindre étincelle, je nai pas limpression de faire partie de leur monde. Ils vont, tel un troupeau, se masser dans les wagons du métro, direction le boulot pour une journée de dur labeur. Et après ? Ils reprennent le même chemin pour rentrer à la maison, avec pour seule satisfaction celle davoir fait leurs huit heures de travail.
Vingt trois années décole, de galéres mont amené dans ce foyer pour jeunes. Comme je maudis cet endroit, comme ceux qui y habitent. Cette animosité entre les colocataires, entre les jets de yaourt dans la tronche, les brimades et les douches tout habillé ; cest navrant, mais tout ça ne va pas faire long feu, je le sais
Je nai jamais eu vraiment beaucoup de chance jusque maintenant. Je suis né prématurément, jinspirais déjà la différence. Puis jusquà lâge de onze ans, moi et mes parents habitions une petite fermette dans un lieu reculé. Mon père bûcheron ne se contentait de « frapper » le bois, il avait aussi la main lourde avec moi. Ma mère quant à elle, buvait pour oublier quelle avait raté sa vie. Ils périrent tous les deux dans un incendie qui ravagea toute la maison, ainsi que le hangar. Par chance je nétais pas là, je pêchais seul au bord de la rivière
Ensuite jai voyagé de foyer en foyer, pour arriver ici à Paris depuis maintenant trois longues années. Ils mont trouvé un travail, si on peut appeler ça comme ça. Mettre des compact disc en cartons, pendant huit heures, ce nest pas la vision que je me faisais de la vie. Cest ce que jexpliquais au psychologue qui soccupe de moi, le pauvre il doit en avoir des difficultés à me cerner. Cest que jai beaucoup lu sur la psychologie et la psychiatrie, alors je lemmène sur différentes pistes chaque jour. Cest que jaime jouer avec le feu
Un jour schizophrène, un autre paranoïaque, cest fou ce que lon peut trouver en bibliothèque dans ces foyers, cest bien la chose positive que lon peut y trouver.
Depuis ma présence dans ce foyer, je me suis fait une seule amie avec qui je partageais tout. Elle connaissait tous mes petits secrets, mes plus intimes pensées, et ma haine pour les pensionnaires. Malheureusement elle est partie, on lui a trouvé un travail vers Lyon. On se comprenait très bien ensemble, elle aussi avait perdu ses parents, à lâge de 16 ans, dans un accident de voiture, ils ont raté un virage et ont plongé directement dans un fleuve. Son père et sa mère avaient tous deux un fort taux dalcoolémie dans le sang. Une enquête a été menée, ils ont bien sur conclu à un accident de la route sous lemprise de lalcool. Le seul point sombre de lenquête est que la justice na toujours pas déterminé où ils avaient bu autant. Tous les cafés, bars, brasseries, restaurants ont été interrogés mais aucun ne les avait aperçus. Pourtant les enquêteurs sont persuadés que laccident sest produit sur le chemin du retour, se fiant aux marques laissaient par les pneus sur la boue.
Cest encore un point commun entre moi et elle. Car elle aussi a beaucoup souffert de ses parents. Elle na évidemment pas raconté à la police les attouchements quelle a subis de la part de ces deux parents. Les soupçons se seraient focalisés sur elle immédiatement, elle sest contentée de beaucoup pleurée, et comme elle navait pas dautre famille elle partit pour centres pour enfants.
Elle est très maligne, au moins autant que moi. Dés le premier regard nous nous sommes reconnus, il y avait dans ses yeux cette étincelle qui ma fasciné illico. Au départ simple amitié, notre amour sinstalla et nous fit devenir plus fort que tout le foyer réuni. Il nous permit de surmonter les brimades, et autres regards assassins. Cest vrai que je ne suis pas très beau avec mon mètre quatre vingt et mes soixante cinq kilos, mes cheveux en pétard et ma cicatrice à la main. Est-ce que je mérite une fille si étonnante ? C est la question que je me pose chaque jour que je vis avec elle ! Chaque minute passée avec elle me rend tout feu tout flamme, il nétait pas rare quau lieu dormir comme tout le monde, nous nous donnions rendez-vous sur le toit du foyer pour déconner et parler toute la nuit.
Demain je prends le train pour la rejoindre à Lyon, jai réservé mes billets discrètement pour néveiller personne du foyer. Jaurai pu partir hier comme le voulait ma tendre, mais je lui ai expliqué que javais une dernière tâche à accomplir ici. Une organisation qui maura prit toute la nuit.
Tout dabord mapprovisionner en bidons, puis faire prendre les somnifères au plus méprisable jeune du foyer et linstaller dans mon lit. Et me voilà devant mon chef duvre, un feu dartifice incroyable. Je mallonge dans lherbe fraîche et je contemple le deuxième ouvrage de ma vie. Tout aussi flamboyant que le premier, lodeur de lessence exalte tous mes sens. Tout dabord autour de létablissement, puis a lintérieur, étage par étage, lincendie se répand comme une traînée de poudre. Les personnes se trouvant à lintérieur se réveillent une par une, crient, sétouffent et se ruent vers les sorties quils essayent douvrir. Ils forcent sur les poignets mais les chaînes que jai mises aux portes les en empêchent et je fais les paris quaucun nen resortira. Des courageux se défenestrent, mais tombent dans les flaques dessence que jai disposées aux bords des fenêtres, et sallument comme des chandelles. Tout ce spectacle ressemble à un ballai de flammes, de lumières, les cendres volent et donnent lillusion de centaines de papillons qui senvolent dans le ciel étoilé.
Toutes ces personnes qui mont fait tant souffrir mourront à petit feu, je tiens là ma vengeance. Jentends déjà les sirènes de pompiers, tous les bons moments ont une fin
Je ramasse mon sac et prends la direction de la gare. Je me retourne une dernière pour contempler la scène, cet incendie surpasse de loin le premier, si mes parents étaient encore là, ils le confirmeraient