Et par conséquent, voici une histoire parmi tant dautres, lhistoire dun condamné à mort.
Quai-je donc bien pu faire pour justifier tel traitement ? De quel crime suis-je lauteur pour mériter pareil supplice ? Je suis coupable, ça je lai bien compris, mais de quoi ? Malgré tous ces mois où je nai pu esquisser le moindre mouvement !
Je suis méchant ? Apparemment oui, et même que les méchants, cest la mort et puis lenfer qui les attend. Si peur de tout ça ! Jaimerais pleurer sur le sein dune mère, mais cest elle qui ma fait comme ça, cest elle qui a tout fait pour que je sois coupable. De quoi, je ne sais toujours pas. Pourtant, les faits sont contre moi. Cest avec les mimines pleines dun étrange cambouis quils mont trouvé, avec son corps presquagonisant à mes côtés. Jai jamais voulu lui faire du mal !
Et au lieu de maider quand je vivais lenfer et que je rampais sous les problèmes, au lieu de devenir mon copain quand je faisais tout pour sortir du trou, il ma frappé. Je crois bien que cétait de toutes ses forces. Sans âme, sans rien, machinalement, sans cur, sans intérêt, et puis il a émis un gros rire gras avant de me pendre par les pieds. Et mes proches, mes proches ! ont tous trouvé ça rigolo, je nai jamais été aussi humilié de toute ma vie ! Et entendre ses remarques amusées de sadique, puis le voir sen aller pour recommencer encore et encore !
La vie est belle, mais ce sont tous des zombies et je ne veux pas être un des leurs. Je ne ferai pas semblant, je resterai fier. Cest aussi dans ce sens que je me démarque des autres, tout ce sang déversé nest rien dautre que banalité.
Juste avant les coups et tout au long de cette journée après laquelle plus rien ne serait comme avant, jai ressenti un froid intense, comme plongé dans un lac de couteaux glacés. Chaque tranchant fut une banquise, chaque pointu un pôle, et le souffle court, je perçus peu à peu les lois qui régissent le monde, je commençai à comprendre que lautrefois béni était désormais un non-retour. Cest tout ce dont je me rappelle, à part une odeur de transpiration hygiénique émanant des murs. Ca et des images, toutes plus floues les unes que les autres. Des pleurs, des heurs, la douleur de ne pas être et des hurlements de désespoir parmi la risée générale ! Tous, jen suis certain, ont adhéré à ce vaste coup monté sans sen rendre compte.
Et depuis lors, seul dans mon coin, jattends de voir poindre le moindre mal, le goinfre à la faucille, pour quil me libère enfin du corridor de la mort. Mon tout petit cur, tout petit petit, nen peut plus de cogner sa rage dans cette poitrine. Je répète : le meurtrier nest pas celui quon juge.
Avant de me rendre dans le corridor de la mort, où chaque respiration est un soupir et où chaque mouvement est une fracture, ils mont ôté mes chaînes, dun simple geste, ce nest pas comme sil sagissait de leur vie. Je nétais plus leur jouet, chaque jour prend des allures de joug, certains en jouissent et dautres en meurent.
Tout loin de moi, ma couche de foin sera aussi un cercueil, les poings de la condition sesclaffent déjà devant mes entrailles électriques.
Je suis désormais sur écoute, même pour marcher on me prend par les bras. Je me souviens que maman avait lair si gentille, mais tout cela nest plus quune époque rayée je ne comprendrai sans doute jamais pourquoi elle ma fait ça, ni pourquoi je tenterai de faire subir le même sort à un autre. Jespère de tout mon cur, dans toute cette utopie crasseuse et infectieuse, pouvoir condamner à mort à mon tour, quun autre voit latroce dun procès à tort ! Basse vengeance, oui, sans doute.
Il arrive encore bien à mes compagnons dinfortune de fixer ma cellule, un sourire de béatitude idiote aux lèvres. Les imbéciles ! ne comprennent-ils pas quils sont dans le même cas que moi, que ce sont des squelettes qui signorent ?!
Le jugement est proche, tout comme les trois coups de marteau qui cloueront bientôt nos cercueils et vous faisez comme si rien de tout ça nallait arriver !
- On ne dit pas des choses comme ça.
Ils sourient, je préfère dormir plutôt que de me demander combien de temps sera nécessaire avant que sexécute la sentence. Impossible de comprendre, quelle connerie ! tout ça pour sêtre abreuvé dans le ventre de sa mère ! Marginal, je subis malgré moi lincompréhensible des lois.
Le papier peint de couleur rose sied très mal au désastreux qui repose et se déchaîne en ces lieux. Même les gazouillis de jadis deviennent hagards, mon cur se fait agate tandis que chaque seconde passée incite à crever. Car si luniforme est soyeux, je hais les pâtées et ces écuelles mille fois gobées, je ne supporte plus les horribles promenades forcées à bord de leurs satanées brouettes !
Moi aussi, jai des étoiles sur le visage, mais les miennes tournent en musique monocorde, rien nest authentique, je pourrais presque les atteindre. Oui, cette condamnation est bien absurde, la mer et le soleil demeureront de doux étrangers.
La gondole dévale vers le silence, le coup de gong déchiquettera bientôt ma gorge. Il arrive parfois de sentir sur les bras la douce brise du zéphyr, jose alors croire dans un sommeil que rien nest vrai. Et puis le réveil. Rien dautre depuis des mois.
Je fixe les barreaux en suçant mon pouce, je pèse trois kilos sept. Les tuteurs à gages sourient toujours, même quils disent que je suis la chose la plus merveilleuse au monde. Je distingue un biberon de vitriol dans une main, une peluche dans lautre.
Le rocher dévale une nouvelle fois la pente.