Combat..
Sous ses doigts le fusain voletait sur la toile dans des crissements pénibles déchirant par moments le silence de la pièce.
Parfois il quittait sa place et sapprochait du modèle comme un chat devant un oiseau, puis précipitamment rejoignait lesquisse et retouchait un trait, une ombre, une courbe.
Le corps nu sur le sol, torturé, incongru, recroquevillé dans une pose douloureuse exprimait sa vie sur la jute glauque.
Latmosphère de latelier sentait la souffrance, la sueur et la peine. Par terre contre les murs, faces invisibles, des tableaux reposaient enfin.
Lorsque repu de son modèle, imbibé de sa chair et de son âme il posait le fusain, il changeait lesquisse contre une toile nouvelle, vierge et soumise. Et prenant ses pinceaux il travaillait sans mollesse, mélangeant les couleurs, étendant la pâte en couches précises, sculptant les détails, allant jusquau bout de son art. Il puisait dans ses ressources la force de peindre. Chaque geste comptant pour saisir toute une vie, comme quelque chose dimpudique il rendait ce corps à son impression première.
Dans ce combat entre lhomme et la toile, pas de place pour le doute, la main était sure et la matière rebelle. Et lorsque épuisé, le modèle évaporé il retombait lourd sur son fauteuil déchiré, la toile recouverte dun linceul nuptial prenait son vrai nom :
Une uvre.
Toussaint Sbreccia