Je regarde l'heure sur le cadran lumineux de l'horloge. Ma vue est trouble, il semble être 4h08 du matin. La lumière des chiffres me brûle les yeux. Je ferme et ouvre les paupières, mais rien n'y fait, toujours ce rouge
Cette couleur m'envahit.
Je prends une longue inspiration et je referme les yeux. Il faut dormir.
J'aimerais m'endormir et le noir prendra le dessus.
Mon corps se détend, mes muscles se relâchent. Je comprends que je pars, le noir arrive. Je suis bien, je me repose enfin, je respire
Mon souffle écarte les nuées obscures et j'aperçois des images, des paysages
est-ce que je rêve
Un visage, les lèvres qui bougent
il essaye de me parler, mais je n'entends pas, je ne comprends pas.
Ce visage, je le connais, il se précise
c'est bien elle. Celle qui a rejoint les étoiles
Des larmes coulent le long de ses joues, mais elle est sereine. Ses cheveux ondulent à travers la clarté, une clarté pure
je ne saurais expliquer la provenance de ces rayonnements.
Je flotte sur le dos, la tête et les membres relâchés en arrière, dans le vide
Je ne contrôle rien sauf ma pensée
Ses lèvres, ses lèvres écarlates bougent encore
Il faut que je me rapproche, plus près
encore plus près.
Je glisse, je suis happée vers elle, elle qui me tend la main
je dois l'atteindre, faire l'effort d'attraper sa main
je ne peux bouger, mais mon corps avance. Plus il avance, plus je me relâche, j'entends mon cur battre lentement, sur un faux rythme, puis plus rien et j'ai froid, très froid.
Des mots mélangés m'arrivent dans la tête
regarde, vie, manquer, trop vite, encore
J'essaye de comprendre, il faut lui répondre
J'ai des milliers de questions à lui poser, tant de conseils à recevoir, je voudrais me confier, ça fait si longtemps
Mes lèvres ne se desserrent pas
Pourquoi, pourquoi moi
Ma poitrine se déploie sur un sursaut.
Je la regarde avec envie, envie de la rejoindre. Cette envie se réalise, je suis dans ses bras, elle me sourit, me réconforte, me serre et me réchauffe
Un autre sursaut, j'ai de plus en plus chaud.
Elle pose sa main sur mon front, là un choc puissant m'éloigne à plusieurs mètres d'elle.
Encore des mots
plus tard, tu verras, n'oublie pas
Je la regarde, je suis triste, mais apaisée.
Mon corps se met à trembler sans contrôle
encore un sursaut, mes tympans craquent, tout s'accélère, un sifflement irrégulier me transperce le crâne
son visage disparaît. Tout se referme sur moi, je replonge dans le gouffre vertigineux du noir.
Mon corps est traversé par des millions de piqûres, les battements de mon cur reprennent, De l'air remplit subitement mes poumons, ça me fait mal, mes lèvres se déchirent.
Par réflexe mes yeux s'ouvrent, toujours ce rouge
Des sensations de brûlures, de coupures se concentrent dans ma poitrine. Pourquoi cette douleur s'acharne à me faire tant souffrir
J'ai envie de hurler, mais je ne peux pas, j'ai la gorge serrée, compressée
il ne me reste plus qu'à attendre, subir
Non ce n'est pas possible, je dois sortir, je dois me réveiller !
Je ne supporte plus, j'essaye de lutter contre ces déchirements perpétuels, ça devient trop insupportable
Mais il faut se battre, penser, penser à elle, essayer de comprendre malgré tout.
Je me souviens, son visage, ses mots, je ressens cette chaleur, celle si tendre, celle de son réconfort, c'est si bon
la douleur se calme.
Mes yeux se mouillent, je pleure ?
J'ouvre de nouveau les paupières et une lumière blanche m'aveugle, ma vue se précise tout doucement puis je repars dans le néant
j'ai la tête lourde.
J'entends des bruits sourds, des paroles même, j'ai l'impression d'être sanglée, prisonnière. Est-ce que je rêve encore ? Ce n'est pas un rêve, c'est un cauchemar !
Et voilà la douleur qui reprend le dessus, comme une lance recouverte d'épines qui me transperce de part en part. Pourquoi tant de souffrance
Ce rêve était si doux. Je voudrais retourner là-bas, mais c'est impossible, je n'y arrive pas !
Je voudrais que tout s'arrête
se laisser partir, se laisser aller
Un fracas, un son mélangé de métal et de plastique ? Je lutte une dernière fois pour ouvrir les yeux
je vois
je vois ! La lune pleine et lumineuse, puis une farandole d'étoiles se suivent et se ressemblent.
Mon corps avance et se stoppe, là stupeur, encore ce rouge, le rouge des chiffres d'une horloge !
Je ne comprends plus rien, je ne sais plus si je dors, si je rêve ou si la mort s'amuse avec moi. Je suis là impuissante et je subis. Où suis-je exactement !
Pas au paradis ! L'enfer ? Pourquoi pas ! Mais je ne pense pas.
Je commence à paniquer, je ne sais plus où je suis !
Je regarde tout autour de moi, du moins j'essaye
Je suis sans vie et pourtant je vois, j'entends et ma conscience est là
La douleur a disparut, je ne sens plus rien
même plus mon corps, mes membres ne répondent plus !
Je réalise, c'est atroce, qu'est-ce que j'ai, qu'est-ce qu'il m'arrive !
Je cris intérieurement, laissez-moi vivre ou laissez-moi mourir, mais que cette torture se termine une fois pour toute !
Cela fait une éternité que je fixe ce plafond, le temps me paraît long et cette horloge qui annonce 4h18 du matin.
Je me souviens m'être assoupit chez moi, dans mon lit, d'une humeur meurtrie et hésitant entre le rouge et le noir
Il aurait fallu que je prenne la noire avant la rouge
Ce type m'avait bien dit de respecter l'ordre des couleurs
mais j'avais tellement hâte de partir, partir loin pour oublier.
Je voulais tout effacer de ma mémoire, pour enfin me reposer en paix
Maintenant je suis entre deux mondes, le corps en paix, la mémoire pleine de souvenirs et la tête assagit de questions.
J'existe encore ou je n'existe plus ? Mais là n'est plus la question ! Mon destin est accomplit, moi je voulais juste oublier mais voilà, c'est moi qui suis dans l'oubli.
Lydie François