Tout nest pas rose dans la peinture, Tout le monde le sait, il arrive parfois quon y trouve du gris, du noir et même, on peut en voir de toutes les couleurs...
Cest ce que pensait Noémie Plankbell de retour de mission dans les steppes de lAsie Centrale, aux confins de la Mongolie.
Quelques temps plus tôt, elle avait été chargée par son ministère de se rendre en mission, afin de faire mieux connaître la peinture contemporaine britannique au Pakoolstan et sétait mise au travail avec enthousiasme.
Réunir les uvres lui prit au moins six mois, mais cela ne fut rien à coté du temps passé à obtenir les visas.
Elle eut un premier choc lorsque le tampon de lambassade du Pakoolstan fut apposé sur les uvres retenues coté peinture
. Comme ont dit, ça faisait « tâche ».
Lavion ne fut quune ennuyeuse formalité, mais dés le pied posé au sol, elle bascula rapidement dans une sorte datmosphère curieuse, propre à surprendre même un sujet britannique bon teint comme elle : Il faisait beau.
Elle fut reçue dans le salon des VIP à laéroport, elle dut avaler avec panache moult alcools locaux à chaque toast portés. Boire à lamitié récente, mais sincère entre lEmpire Britannique et le tout nouveau Pakoolstan à lArt en général, puis à lArt Britannique en particulier, suivi immédiatement par le toast quelle destinait elle-même à lArt pakoolstanais
Le tout allongé par les délais de traduction. Exercice difficile, certes, Mais auquel Noémie était bien rodée...Croyait-elle! Cétait la première partie de lépreuve.
Fin saoule, mais droite, elle se dirigea ensuite vers la première yourte où siégeaient dimportants messieurs aux barbes diverses, en habit traditionnel, devisant à haute voix dans un langage étrange. On la présenta au Kramik, le chef de la communauté principale du pays, elle dut se pencher vers lui pour lui serrer la main, puisquil était resté assis. Cette position mis en péril l équilibre britannique déjà précaire, il fallut laide discret mais efficace de Boulbé, linterprète, pour retrouver un aplomb de bon aloi.
Elle découvrit ensuite la table, garnie de broderies multicolores, sur lesquelles des mets abondants sétalaient à sa vue : le Plof. Cest bien le nom quon donne dans cette lointaine contrée au plat national, trônait en évidence. Impossible déchapper à ce mélange de gras avec du gras et de lhuile de coton où surnageaient des haricots, que, selon certaines mauvaises langues, on appelait ainsi à cause du bruit quil faisait en tombant dans lassiette, avant de ravager lestomac. La digestion en était encore plus rude que lingestion. Noémie le découvrit rapidement.
Rapidement, cest à dire quil fut urgent pour elle de se rendre aux « lieux », afin de soulager quelque peu sa nature pourtant robuste.
On peut imaginer ce qui serait arrivé à un estomac français en pareilles circonstances
.
Boulbé eu du mal à comprendre la demande formulée à voix basse. Elle insista. Il devina, à son ton suppliant quil sagissait dune affaire grave, ne souffrant aucun délai, et la pria de le suivre.
Noémie, ayant quitté la yourte précipitamment, la stupéfaction imposa silence à lassemblée des dignitaires surpris puis la conversation repris de plus belle : on sinterrogeait, on supputait déjà quelque gaffe, quelque incident diplomatique, mais Noémie nen était plus là...
Conduite, chancelante, vers la yourte des femmes, étonnées et ravies de cette honorable visite ,il fallut à Noémie un sens du civisme, que dis-je, du patriotisme hors du commun pour faire face aux débordements chaleureux de ces dames emplies de reconnaissance, sempressant de lui servir une copieuse assiette de plof.
Il y a des moments où, même dans les histoires, il convient de garder le silence
Noémie fit sa réapparition dans la yourte des "Officiels" saluée par des cris denthousiasmes et de soulagement (je me demande sil convient vraiment dutiliser ce terme, mais je nen vois pas dautre.)
Lamitié, la fidélité à lamitié, la coopération amicale, la fidèle et amicale collaboration des artistes à travers les frontières et tous thèmes apparentés furent déclinés avec force toasts et verres de stromblik, alcool naturel mais terriblement violent.
Pour éponger tout ça, on servit à nouveau à Noémie le plof.
Au cinquième plof, Noémie disait absolument nimporte quoi et riait comme une gamine. Boulbé avait renoncé à traduire. Linterprétariat donne ,parfois, lopportunité dutiliser des dons de diplomate ignorés, cest ce quil fit.
Noémie, qui avait entre temps rendu plusieurs fois visite aux dames et
..Non, je ne le dirai pas, sentait maintenant sinstaller une espèce de couronne dépines autour de son beau front dintellectuelle En secret, elle pria...
Le sixième plof arriva très vite, elle ny porta pas plus dintérêt que ça :Les toast généreux arrosés de stromblik lavaient pour ainsi dire anesthésiée et cest bruyamment quelle trouva le mot qui touche : elle rota.
Tout à coup plus légère, elle attaqua le septième plof dans la bonne humeur et trouva assez dénergie pour se lancer sans quon ly pousse à chanter le « God save the Queen » Tous se levèrent, la main sur le cur .
Il fallut ensuite entendre, en souriant poliment, lhymne national Pakoolstanais.
Noémie était toujours debout.
Vint le moment des réjouissances: Les Shasliks arrivèrent à leur tour dans les assiettes, accompagnées, bien entendu, dune soupe bien grasse: Cest que lhiver est rude dans ces steppes ! ! encore quelques verres, encore quelques toasts
.Noémie voyait, non sans courage, ses derniers instants arriver. Elle nen souffla mot : elle nétait plus en état démettre un son.
Au huitième plof, Noémie tomba raide sur les tapis précieux. Un silence interloqué sabattit sur l'assistance peinée.
On transporta Noémie inconsciente chez les dames qui linstallèrent à coté des fourneaux
Lorsque Noémie put enfin ouvrir les yeux, elle eut dabord un fort moment de doute, suivit dun dune franche panique que même lamour de son Pays, des Arts en général, de la peinture en particulier narrivaient plus à entraver.
Se sauver ! !Se sauver cétait sa seule idée.
Accessoirement, elle aurait apprécié un bouillon de légume et quelques aspirines.
Son réveil suscita une joie bruyante parmi les dames : on lui apporta un plof pour fêter sa résurrection.
Noémie éclata en sanglots nerveux. On appela Boulbé qui cuvait dans un coin.
Elle réclama de voir sur le champs lambassadeur et entama une conversation pâteuse et tout à fait pénible avec son interprète, et refusa net le plof et le stromblik pourtant proposés avec grâce.
Elle implora. On contacta lambassadeur. Il rentrait dun mariage dont le cérémonies avaient duré deux jours et deux nuits
. Au téléphone satellite La voix de Son Excellence, d'habitude chaude et assurée, tremblait aussi, mais ce nétait pas lécho...
La négociation savéra laborieuse.
L'écho n'y était toujours pour rien...
La décision fut prise enfin et lexcuse trouvée : Noémie dût avouer une grossesse débutante à Boulbé. Un comble pour cette demoiselle chaste et dun âge relatif !
Le retour fut interminable, migraineux, nauséeux...
Cest avec une joie et une fatigue immenses, que Noémie retrouva SON Pay, Son ministère, Son bureau, Ses collègues.
La sentant légèrement déprimée et attribuant cet état à sa vie solitaire, Sa mère lui fit cadeau d'un adorable chaton de 3 mois...Une espèce rarissime! Un chat Palkoostanais qui valait une fortune avec un superbe pedegree... On pouvait y lire le nom de cet animal merveilleux: Il s'appelait "PLOF".
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« Nuits Blanches : Papier noirci »